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Extrait du texte publié dans "l'observatoire" n°97 en décembre 2018  sur le thème : 

« Les parentalités sur le fil » en difficulté et les différentes formes d'aide, de soutien et d'accompagnement qui leur sont destinées

Les parentalités fragilisées par les séparations parentales conflictuelles.

Introduction :

Avec l'augmentation du nombre de séparations, on constate que de plus en plus d'enfants perdent ou rompent le contact avec l'un de leurs parents et ce, peu de temps après celle-ci. Une des raisons pouvant expliquer cette rupture du lien est le contexte conflictuel dans lequel se déroule ces séparations.

Si précédemment, en matière de divorce ou de séparation, les ex-conjoints se livraient un combat pour prouver la faute commise par leur partenaire, aujourd'hui, il s'agit de démontrer à quel point l'autre parent est un mauvais parent. Cet accent placé sur la parentalité a ainsi conduit les parents à mettre en évidence leurs compétences parentales au détriment de l'autre parent qui est considéré comme dangereux pour l'enfant. Ces logiques d'opposition poussées à l'extrême peuvent avoir pour conséquence de couper la relation entre un parent et son enfant.

Dans ce contexte, il arrive que le service « Espaces-Rencontres » soit mis en place afin de permettre la création, le maintien ou la restauration du lien entre un enfant et son parent avec qui il n'a pas ou plus de contact. Partant du postulat qu'il est essentiel pour l'enfant d'avoir accès à ses deux lignées, « l' Espaces-Rencontres » constitue un garde fou permettant que ce droit fondamental soit garantis pour chaque enfant.

Lorsque la rupture conjugale impacte l'exercice de la parentalité :

Lorsqu'un couple prend la décision de se séparer cela implique une réorganisation familiale ainsi qu'une redistribution des tâches et rôles parentaux. De fait, les parents vont être amenés à exercer leur parentalité chacun de leur côté tout en veillant à ce qu'il y ait un minimum de cohérence entre eux pour permettre à l'enfant d'avoir des repères clairs ; nécessaire à son développement. Il s'agit d'un exercice périlleux qui implique une collaboration parentale entre les ex-partenaires. En cas de séparation conflictuelle, la communication entre les parents est rendue difficile voir impossible, ce qui impacte directement leur façon d'exercer leurs rôles de parents.

De fait, selon Didier Houzel, on observe qu'un conflit intense faisant suite à une séparation problématique influence négativement la parentalité dans toutes ses dimensions, qu'il s'agisse de l'exercice de la parentalité (les droits et devoirs des parents), de l'expérience de la parentalité (le ressenti, l'affect) ou de la pratique de la parentalité (la vie quotidienne).[1]

Les ex-partenaires étant happés par la logique du conflit, ils ne parviennent plus à mettre au centre de leurs préoccupations le besoin de(s) enfant(s), en termes éducatifs et affectifs. Ces derniers se trouvent alors coincés entre papa et maman avec un risque d'instrumentalisation important de la part de l'un ou de l'autre parent. Tantôt enfant otage, enfant soldat, enfant médicament, ou encore enfant objet, ils se trouvent à la merci de leurs parents qui s opposent une guerre sans répit. Or, ce climat de disqualification permanent entraine, chez ces enfants, une perte de certains repères moraux et affectifs. [2]

Ces situations de séparation qui débouchent sur une rupture du lien :

« Quand la séparation devient la guerre, l'enfant se retrouve exposé à un subtil chantage psychologique d'un parent, parfois des deux, qui s'opposera aux décisions judiciaires et abusera, consciemment ou inconsciemment de son autorité parentale pour l'inciter à rompre tout lien affectif avec son autre parent. Instrumentalisé malgré lui, l'enfant n'a parfois pas d'autre solution que de se rallier au parent préféré »[3]. Choisir un de ses deux parents est sa seule issue possible pour se sauver du clivage identitaire, émotionnel, éducatif et affectif auquel il est confronté en permanence.

Sans entrer dans une compréhension fine de ces processus d'exclusion d'un parent voir d'aliénation parentale, il est malgré tout important de souligner à quel point les enfants, au cœur de ces conflits, sont en souffrance.

En quoi est-ce important pour un enfant de maintenir un lien avec ses deux parents:

S'il est bel et bien un droit fondamental pour les enfants, c'est celui de pouvoir avoir accès librement à leurs deux parents. En effet, pour bien grandir, les enfants doivent pouvoir s'identifier à leurs deux lignées et s'inscrire dans une histoire familiale qui leur est propre. Coupés de leurs racines, le processus de construction identitaire se voit altéré et peut provoquer une perte de sens chez eux.

Si le maintien du lien est donc essentiel, il va de soi que celui-ci doit se faire dans les meilleures conditions. C'est la raison pour laquelle, les « Espaces-Rencontres » peuvent être mis en place.

Le service « Espaces-Rencontres », qu'est-ce que c'est ?

Partant du principe selon lequel tout mineur a le droit de garder des contacts avec ses racines, l' « Espaces-Rencontres » se présente comme un lieu neutre permettant le maintien du lien entre l'enfant et son parent ou toute autre personne titulaire du droit aux relations personnelles (ex : les grands-parents ; la fratrie) , en toute sécurité.

« L'Espaces-Rencontres » se veut être également déculpabilisant pour l'enfant dans le sens où il lui permet de sortir du conflit de loyauté qu'il peut ressentir à l'égard de ses figures de référence. Ainsi, peut-il redevenir l'enfant de son père et de sa mère et se situer dans son histoire et ses origines.

L'objectif visé par le service est une reprise des relations dans le milieu de vie naturel de l'enfant. Il s'agit dès lors d'une intervention à caractère temporaire et évolutive. Le travail poursuivit par les intervenants auprès des parents consiste à les accompagner dans la reprise de leurs propres responsabilités en matière d'exercice du droit aux relations personnelles.

Le suivi est assuré par des intervenants spécialisés qui favorisent la relation parent-enfant au moment des visites mais également évaluent régulièrement les rencontres avec chacun au cours d'entretiens individuels. Ces moments d'échanges permettent d'aborder la manière dont les visites se déroulent, les évolutions possibles, les difficultés voir les freins observés dans le processus, etc. Les professionnels sont soumis au secret professionnel ce qui garanti à l'enfant un espace où il pourra vivre sa relation avec son papa ou sa maman en toute liberté et sans risque d'être mis à mal auprès d'un de ses parents.

Le service intervient gratuitement à la demande du Tribunal de la Famille, du Service d'Aide à la Jeunesse ou du Service de Protection Judiciaire. Ceux-ci définissent alors le cadre de l'intervention ainsi que les modalités de contacts.

De cette manière, l'enfant est dégagé de toute responsabilité quant au maintien ou non des contacts avec son parent. Il arrive dans certains cas, que le service intervienne sur base d'une demande volontaire de la part des parents, ce qui implique qu'ils définissent conjointement des modalités de rencontres.

Différents types d'encadrements sont proposés par le service : des rencontres en présence constante d'un intervenant, des rencontres encadrées dans les locaux, des visites en sortie et enfin des arrivées/retours de week-ends.

Concrètement, « l'Espaces-Rencontres » organisent les rencontres de telle sorte à ce que les parents ne soient pas amenés à se croiser. De fait, le parent qui vient rencontrer l'enfant arrive 1/4h avant le début de la visite. Il est accueilli par un intervenant qui va préparer avec lui celle-ci. Le parent hébergeant dépose ensuite l'enfant qui sera pris en charge par un membre de l'équipe et qui l'accompagnera jusqu'à son parent. De cette façon, l'enfant est préservé d'éventuels conflits entre son papa et sa maman. Les professionnels adoptent ainsi une position de tiers et gèrent tous les aspects qui pourraient susciter des tensions entre les parents.

La prise en charge se clôture lorsque la mission de création du lien est remplie et que les contacts peuvent s'organiser sans notre intervention. Par ailleurs, il arrive qu'un des parents soit à l'origine de l'arrêt des visites, pour diverses raisons. Dans ce cas, un rapport est alors rédigé auprès du service demandeur afin de lui signaler la non collaboration d'un des parents. Certaines situations nécessitent, en outre, que les intervenants prennent la responsabilité de clôture du suivi lorsqu'un l'enfant est mis en trop grande difficulté par les rencontres (soit par le parent hébergeant ou par le parents non hébergeant).

Quoiqu'il en soit, au cours du processus, il parait important de proposer aux parents un temps de réflexion sur la manière dont ils vont exercer leur coparentalité et garantir le maintien des contacts après l'arrêt de l'intervention du service. Pour ce faire, des entretiens parentaux et des entretiens de clôture leurs sont suggérés.

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Bibliographie

Catherine Denis et al. , « Restaurer la parentalité dans les situations de séparation parentale conflictuelle : un travail sous mandat », Thérapie familiale 2016/1 (Vol.37), page 74

Dr Roland Broca et Olga Odinetz, « Séparations conflictuelles et aliénation parentale : enfants en danger », p 18-19


[1] Catherine Denis et al. , « Restaurer la parentalité dans les situations de séparation parentale conflictuelle : un travail sous mandat », Thérapie familiale 2016/1 (Vol.37), page 74

[2] Ibid.

[3] Dr Roland Broca et Olga Odinetz, « Séparations conflictuelles et aliénation parentale : enfants en danger », p 18-19







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